mercredi 27 mars 2013

L'igname dans la socièté kanak

Profitant du sujet d'hier qui était culinaire, je voudrais aborder un thème à double sens.
L'igname est l'un des éléments centraux de la culture kanak, nourriture de base, elle est aussi indispensable dans les échanges de cette société très codée.

Ainsi il existe une hiérarchie parmi les ignames. Celle-ci dépend de son ancienneté (plus la variété est implantée depuis longtemps dans le terroir, plus elle est prestigieuse et intégrée aux cérémonies coutumières), de sa précocité (les variétés précoces nécessitent plus de soins et sont donc plus précieuses, d'autant que, en tant que primeurs, elles ouvrent la saison des récoltes) et de sa forme (plus la forme est droite, longue, régulière, plus sa tête est fine, plus son goût est apprécié et moins elle a de poil, et plus elle est honorée).
Les meilleures ignames servent alors de base traditionnellement à l'échange coutumier lors de tous les grands évènements (sacre du chef, naissance, mariage, deuil, alliances entre clans), celles de qualité moyennes forment la base de la consommation quotidienne et les moins appréciées, laissées à moitié à l'état sauvage, servent juste de récoltes d'appoint.
« Toute chargée de symbole, l’igname a une valeur culturelle : offrande noble, symbole de virilité, de l’honneur. L’igname offerte à l’autel symbolise tout le pays avec les chefs, les vieux, les ancêtres, les enfants et tout ce qui fait vivre cette contrée. L’igname accompagnée de la monnaie de cordelettes, de coquillages, de la natte et de la jupe de fibres constitue l’essentiel des richesses échangées pour un mariage ou un deuil et qui scelle l’alliance entre les clans. » (J.M Tjibaou)


Très important, le cycle de récolte de ce tubercule conditionne le calendrier social traditionnel kanak.
Ainsi :
  • Juin - Juillet : on défriche, on brûle la terre et on élève les billons, pour préparer l'ensemencement.
  • Août : c'est l'ensemencement. Avant celui-ci, un échange coutumier a lieu entre les clans, et on touche les plants d'ignames à planter à l'aide d'une pierre à igname, symbole de deuil, chaque clan possédant sa propre pierre et est utilisée par le maître des cultures lors de plusieurs rites annuels destinés aux forces de la nature. Après avoir été en contact avec les plants, la pierre est enterrée au bout du champ, et on plante au-dessus une perche tabou, ornée d'une botte de paille ou de végétaux. On ne déterre la pierre à igname qu'au moment de la récolte.
  • Septembre : normalement, la fleur d'igname sort de terre.
  • Octobre : on plante en terre des perches de roseau comme tuteur pour guider la liane de l'igname, tandis que le tubercule commence à se former.
  • Novembre - Décembre : le tubercule grossit. À partir de là, on ne donne plus aucun soin aux ignames, pour éviter de « perturber » sa croissance, les seuls travaux effectués devant se faire avant 9 heures du matin ou après 16 heures car, selon la croyance, l'odeur de transpiration indispose le tubercule.
  • Janvier : saison des cyclones, la plus chaude, qui amènent de fortes pluies drainées par les billons et des périodes de vents d'ouest qui peuvent dessécher la partie aérienne de l'igname. C'est le moment le plus risqué pour la culture. Néanmoins, si jamais la liane sèche avant les feuilles, c'est signe de bonne récolte.
  • Février : les fleurs d'ignames précoces fanent.
  • Mars : la récolte de « l'igname nouvelle » est le point culminant du calendrier rituel des kanaks, donnant lieu dans chaque clans ou tribus à des fêtes de l'igname : les ignames récoltés sont entassées en tas au centre de la tribu, sont bénies par les autorités religieuses (depuis l'implantation des missions), puis a lieu un échange coutumier avec les autres clans voisins à qui l'on offre une partie de la récolte, ainsi qu'à toutes les personnalités venues assister à la fête. Mais personne ne doit consommer un igname avant les chefs de clan et les anciens, pour lesquels les jeunes du clan préparent ces primeurs en de nombreux bougnas consommés lors d'une fête. Généralement, la première fête de l'igname a lieu à Touaourou, à Yaté, dès la fin du mois de février.
  • Avril - Mai - Juin : la « saison des récoltes » qui marque la fin du cycle, recommençant immédiatement alors par le défrichage et le brûlis.

Seulement voilà, un problème se pose. Le développement économique de l'archipel poussent les kanaks à l'exode rurale et certaines tribus se dépeuplent, et de ce fait les champs tandis que des variétés d'ignames se raréfient. À ces facteurs démographiques et économiques s'ajoute une cause sanitaire, avec la multiplication des maladies ou nuisibles menaçant l'igname comme l'anthracnose (champignon, menace la plus répandue et la plus dangereuse), les cochenilles ou encore la phyllostica (champignon).
C'est entre autres pour ces raisons, ainsi qu'une volonté de préserver la pratique de la culture de l'igname comme élément identitaire mais également économique, que la mise en place de cultures semi-intensives a été favorisée, avec la mécanisation de certaines étapes du cycle de l'igname avec une meilleure sélection des variétés adaptées aux goûts des consommateurs ou encore le développement de tuteurs à grande échelle.
De même un conservatoire de l'igname a été installé à Païta, centre d'expérimentation chargé de sélectionner les meilleurs variétés pour la production et la consommation et de multiplier ces variétés, de développer des techniques modernes.
Toutes ses démarches aideront l'avenir de cet emblématique tubercule !

2 commentaires:

  1. alain domi3/27/2013

    Je ne sais pas si j'ai déjà mangé de l'igname mais je pense que la patate douce ressemble un peu à çà ou en fait d'ailleurs partie... avec domi on aime beaucoup, c'est plus sucré que la patate et dans le midi on en consomme...
    Donc, bon appétit.
    Bisous

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La faiseuse de surprises3/28/2013

      Tu as raison cela ressemble extérieurement à la patate douce, en ce qui concerne le goût je te dirais ça bientôt car je prépare une recette que je vous mettrais à disposition.
      Bisous

      Supprimer