dimanche 16 mars 2014

Une exposition record...

Un premier article, extrait des colonnes du journal Les Nouvelles Calédoniennes, sur l'événement qui marque le début de l'année culturelle nouméenne.


Après le Quai Branly, à Paris, l’exposition « Kanak, l’art est une parole » prend ses quartiers pour trois mois au centre culturel Tjibaou. Tour d’horizon d’un événement muséal sans précédent au pays.

«Kanak, l’art est une parole » est hors normes. Avec 160 pièces présentées sur 700 m2, l’exposition enfonce les records calédoniens. Côté budget aussi. « La Nouvelle-Calédonie a mis 100 millions de francs dans cette coproduction avec le musée du Quai Branly », révèle Ashley Vindin, secrétaire général de l’ADCK. « Ça peut sembler énorme, mais, justifie-t-il, c’est le couronnement d’un travail essentiel pour le pays : l’inventaire du patrimoine kanak dispersé, effectué pendant vingt ans par Roger Boulay et Emmanuel Kasarhérou. Il était inconcevable de ne pas marquer dignement le coup. »

250 000 CFP, c’est le montant du contrat d’assurance des œuvres présentées dans l’exposition. « Une somme modique, si on considère que certaines pièces ont une valeur simplement inestimable », commente Ashley Vindin, secrétaire général de l’ADCK.

L’art voyage en première classe. Le transport international d’œuvres de la rareté et de la valeur de celles exposées dans « Kanak, l’art est une parole » est un des postes les plus coûteux de l’opération. Avec la restauration et le soclage des œuvres, il revient environ à 35 millions de francs. « L’emballage des œuvres est un processus délicat, qui doit être effectué dans les règles de l’art par une entreprise spécialisée », explique Marianne Tissandier, conservatrice du musée de Nouvelle-Calédonie. « Toutes les caisses sont construites sur mesure, et doublées. Elles garantissent l’objet contre les incidents de manipulation, mais aussi contre les variations de température et d’hygrométrie. » Henri Gama, qui a coordonné l’événement, précise que « dans l’avion, les caisses ne doivent jamais être gerbées, mais posées au sol, ce qui occupe beaucoup d’espace. Nous avons dû renoncer à faire venir une flèche faîtière remarquable, qui prenait simplement trop de place. » En plus des œuvres, la manœuvre comprend aussi le transport des personnels chargés de les accompagner. Les musées de Bâle, de Bordeaux, de La Rochelle et de Rochefort ont ainsi dépêché des personnels à Nouméa, pour s’assurer des bonnes conditions d’acheminement et de déballage.

Pour Roger Boulay, l’un des deux « pères » du projet, la présentation que le public calédonien découvrira dès samedi n’a « rien à envier » à la version parisienne, bien qu’elle compte environ moitié moins d’œuvres. « Pour raisons muséologiques, toutes les pièces n’ont pas pu voyager sur une telle distance. Mais nous avons le best-of de l’exposition du Quai Branly. » Béatrice Voirol, conservatrice au musée de Bâle, est venue de Suisse pour accompagner la douzaine d’œuvres prêtées par cette institution. « Les musées hésitent à faire prendre des risques à leurs collections sur un tel voyage, note-t-elle, nous y avons tenu au nom de notre collaboration amicale, de longue date, avec les deux commissaires. » Marc Vallet, qui a signé la scénographie à Paris, en est aussi le maître-d’œuvre au centre Tjibaou. A la différence du Quai Branly, où son travail a consisté à « diviser un énorme espace en sections thématiques », le scénographe métropolitain a dû, ici, « relier des salles séparées au fil d’un même discours ». Pour habiller l’exposition, Marc Vallet a « réutilisé les mêmes couleurs qu’à Paris ». Il est aussi resté fidèle à un principe : « souligner la puissance symbolique de l’objet, plutôt que sa valeur scientifique ». Ainsi, point d’éclairages forts, les œuvres émergent en douceur de la pénombre.

L’exposition s’articule en trois thèmes. En salle Beretara, le regard des Occidentaux est confronté à celui que les Kanak portent sur eux-mêmes. On est accueilli par un ensemble de douze chambranles anciens « d’une qualité qu’on ne reverra pas de sitôt », prévient Roger Boulay. Peintures, photos et gravures d’époque se mêlent aux œuvres d’art traditionnel, ainsi qu’à une belle sélection d’œuvres issues du fonds contemporain de l’ADCK. La salle Kavitara est consacrée à « Ataï, de l’icône à l’homme ». On y découvre des objets personnels du chef, un moulage de son crâne et une installation réalisée à partir d’objets de « merchandising » à son effigie. Dans la salle Komwi, c’est l’univers de « la maison des richesses » qui est exploré, à travers un ensemble extraordinaire d’objets usuels et rituels. « L’enjeu ici, comme à travers toute l’exposition, est d’évoquer le monde spirituel et immatériel à partir d’éléments concrets », souligne Marc Vallet, en posant d’ultimes retouches, pinceau à la main.

Extraits de l'article du 13 mars dans Les Nouvelles Calédoniennes

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