L’urbanisation grandissante de la population calédonienne ne constitue pas la moindre des mutations de ce pays en gestation. Ce phénomène s’accompagne toutefois de fortes inégalités sociales en particulier dans les modalités de logements.
Ainsi, des "bidonvilles", appelés squats, apparaissent-ils depuis une trentaine d’années dans le paysage urbain de la capitale, le Grand Nouméa, et accueille aujourd’hui plus de 8000 personnes dans une agglomération d’environ 160 000 habitants (TNS, 2008). Pour l'aménageur, ces squats ne sont pas sans constituer un défi dans la résolution du décalage qu'il existe entre l'urbanité et la tradition mélanésienne, et plus largement océanienne.
La migration des populations vers la région du grand Nouméa répond à une logique complexe qui ne saurait se résumer au simple facteur économique. Certes, ce dernier joue un rôle déterminant dans l’arrivée en ville des populations rurales, cependant, il a été observé l’importance que les facteurs sociaux occupent dans les choix de migration. Aborder la thématique de la migration nécessite de comprendre à la fois les facteurs qui poussent les populations rurales et notamment les Kanak, qui représentent plus de la moitié de la population des Squats, à quitter l’environnement tribal pour la ville et aussi le type d’attraction que celle-ci exerce sur elles.
La tribu, comme on la retrouve en milieu rural, constitue un environnement social fortement réglé par les structures et les pratiques coutumières. Organisée autour du chef de tribu, qui anime et gère la vie interne du clan tout en le représentant à l’externe, ainsi que d’un conseil des anciens, qui s’occupent des affaires intérieures à la tribu, on retrouve un certain nombre de famille descendants d’un ancêtre commun. Le degré de parenté entre les individus du clan, leur sexe ainsi que leur âge sont trois éléments à la base de rapports sociaux hiérarchique bien définis et particulièrement contraignants. Il a été rapporté à travers plusieurs études et entrevues avec des Kanaks qui ont choisit d’émigrer à Nouméa, la forte pression sociale qui pèse sur les individus du clan et les intenses tensions interpersonnelles qui surviennent régulièrement au sein de la tribu. Ainsi, « la dimension conflictuelle des relations d’alliance, de co-résidence et même des réattributions foncières (…) suscite fréquemment le départ des chefs de familles vers Nouméa qui apparaît comme une alternative aux destinations traditionnelles », elles aussi étant soumises aux mêmes règles sociales.
Ce mouvement est exacerbé par ... le certain « anonymat » que la ville offre représente pour certains et en particulier les femmes et les jeunes une possibilité de s’affranchir des responsabilités qui pèsent sur eux en milieu rural. L’image que la ville de Nouméa symbolise en termes d’amélioration des conditions et de la qualité de vie est sans aucun doute un facteur prépondérant dans l’exode rural. Enfin la scolarité des enfants est aussi un des facteurs important qui pousse les parents à venir en ville de même que la présence d’un noyau familial déjà bien ancré en ville.
Les premiers squats, ont fait leur apparition au cours des années 70. La très grande majorité des squats sont installés sur des terrains appartenant au domaine public. Ils sont composés d’un certain nombre de constructions, communément appelées cabanes et accueillant généralement une famille, ainsi que parfois des hébergés. Ces quartiers sont répartis de façon irrégulière dans la ville et « sont installés dans des enclaves volontairement protégées ou isolées du reste de Nouméa; ils sont, en effet, presque systématiquement établis sur le versant des collines qui tournent le dos à la ville, ou encore au creux des vallées où ils ne sont guère visibles ».
Les squats sont la résultante de plusieurs facteurs qui s’influencent mutuellement. À l’origine, c’est un facteur culturel qui a contribué à leur développement : le lien très étroit qui uni les Kanaks à la terre. C’est selon cette relation que les premiers Kanaks, installés de façon permanente en ville depuis la levée du régime de l’indigénat et habitant généralement des logements ouvriers, ont cherché à s’aménager une parcelle vivrière sur un terrain vacant. Cette parcelle était bien souvent accompagnée d’une cabane destiné à stocker le matériel de culture et à l’occasion à accueillir des parents originaire de la Tribu. La pénurie et l’inadéquation des logements aux modes de vie auxquels la population Kanak est habituée, est l’élément principal qui est venu pérenniser ce type d’implantation urbaine. Cela explique le « glissement [qui s’est opéré] des quartiers formels vers les zones d'habitat spontané » et leur multiplication.
Ce processus de construction d’un squat semble aujourd’hui ne plus être d’actualité. En effet, aujourd’hui, l’étape agricole a été abandonnée au profit d’une installation directe et définitive sur le terrain du squat. En effet, les conditions et la qualité de vie recherché à travers l’exode rural n’est pas toujours au rendez. Outre les problèmes liés au marché de l’immobilier, le marché de l’emploi n’est pas aussi favorable aux nouveaux venus. Le taux de chômage touche particulièrement la population Kanak qui présente souvent une faible qualification et qui est ainsi cantonnée aux emplois précaires. Néanmoins, il a été mis en évidence à travers certaine études que l’installation dans le Squat découle en partie du choix de retrouver un mode de vie qui se rapproche de la vie tribale. Pour certain, la « déshérence sociale » que la ville représente se manifeste dans la volonté de retrouver un semblant de structure et de pratiques coutumières. Ainsi, les squats peuvent être d’une certaine façon qualifiés de nouvel espace identitaire. Aussi, malgré la précarité de l’installation, les avantages sont relativement nombreux à la vie dans ces quartiers d’habitat spontané et il est parfois ainsi difficile d’opérer un relogement des populations de squatteurs qui refusent de quitter l’environnement du squat auquel ils sont habitués pour des logements dont ils dénoncent l’inadaptation à leur mode de vie...
Article de François Serve, avec le concours de Romain Rastoin, Florian Wolf, et Emmanuel Pion
Si vous souhaitez lire l'intégralité de cet article très riche, que j'ai dû abréger, voici le lien.
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