lundi 17 mars 2014

Le masque kanak

En Nouvelle-Calédonie, les masques apparaissaient principalement lors des rituels funéraires consacrés aux chefs défunts, mais ils pouvaient cependant être utilisés au cours d'autres cérémonies marquant les étapes du cycle de la vie d'un individu. L'usage du masque ayant pris fin avec la colonisation, peu d'informations ont survécu. Il semble varier selon la zone de production, de même que son nom, ses matériaux de fabrication et ses formes changent selon les régions.

Au nord, le masque était étroitement associé aux cérémonies funéraires des chefs où il apparaissait comme un substitut de ces derniers. Il était un symbole de la chefferie, un objet puissant, jouant un rôle important dans l'exercice du pouvoir spirituel et politique du chef. Il lui était offert lors de son intronisation, conjointement à d'autres emblèmes d'autorité qui sont la flèche faîtière (trônant sur la case du chef) et la hache ostensoir. La figure représentée par le masque, que l'on retrouve sur les éléments d'architecture kanak (flèches faîtières, poteaux, chambranles) est une représentation symbolique du chef défunt dont on célèbre les funérailles, mais à travers lui, c'est également celle du fondateur d'un clan qui est évoquée et encore au-delà, celle de la divinité du monde des morts appelée Gomawé, qui guide les esprits des défunts vers son royaume.

Le masque kanak est donc par essence polysémique, le porteur ainsi paré réunissait en effet dans une seule et même image ce palimpseste d'identités : esprits des forêts prenant l'apparence de l'oiseau, l'ancêtre fondateur du lignage, le chef défunt du village et la divinité du monde des morts. Les chercheurs pensent que des paires ont pu exister dans cette même zone septentrionale : l'un représentant le chef et le second les sujets qui l'ont porté au pouvoir, symbole du dualisme social qui fonde la société.

Par contre dans le sud, le masque semble avoir été considéré différemment, il apparaît davantage comme un accessoire de théâtre que comme un symbole du lien unissant les membres de la chefferie. Il se manifestait lors de danses mimiques appelées wasaï et suscitait par son apparition à la fois la terreur et la joie.

Le premier masque de Nouvelle-Calédonie connu en Europe fut acquis par un naturaliste de l’expédition d’Entrecasteaux à la recherche de La Pérouse, dans la région de Balade en 1792, contre deux ciseaux de menuisier. Visage de bois, coiffure de cheveux humains ou manteau de plumes, les masques kanak s’offrent aux regards comme des objets au sourire grimaçant et à l’attirance ambiguë. Ayant très tôt souffert d’un a priori défavorable de la part des observateurs occidentaux le masque a longtemps été considéré comme une manifestation diabolique. Aujourd’hui, il a retrouvé toute sa place dans le contexte artistique bien que la production traditionnelle ait cessé et il fait désormais partie à part entière du patrimoine culturel kanak. Les masques sont parmi les objets kanak les mieux représentés dans les collections des musées européens.

Le masque est un déguisement qui comporte trois parties : une figure, une coiffure et un manteau.
La figure : Elle est toujours sculptée dans une pièce de bois dur mesurant en moyenne 60 cm de haut et 40 cm de large. Elle représente un visage humain. La figure se distingue par un nez important et crochu descendant presque jusqu’à la bouche. Le porteur du masque regarde par l’ouverture des lèvres et non par les yeux qui ne sont pas évidés. Cet artifice et le volume de la coiffure disposée sur une armature confère au personnage une taille impressionnante. Des trous disposés autour du masque permettent d’accrocher la barbe faite de cheveux humains et le manteau de plumes ou de feuilles. Le masque est enduit de plusieurs couches de vernis. Le noir est obtenu par grillage et écrasement de la noix de bancoulier. Un certain brillant semble également indiqué que les mélanésiens utilisaient d’autres résines comme la gomme de kaori.
La coiffure : La figure sculptée est mise en valeur par l’encadrement d’une coiffure monumentale qui dissimule l’armature de la pièce de bois. La chevelure est réalisée avec les cheveux des deuilleurs. Ces derniers sont les hommes qui ont veillé un parent mort jusqu’à la décomposition, et ont porté sa dépouille dans la forêt. Deux ou trois années plus tard, avant la cérémonie clôturant le deuil, leur chevelure devenue longue sera coupée. Ces mèches seront alors mises en valeur sur un dôme de lianes entrelacées : le dôme du masque qui est alors regardé comme le substitut du défunt. Aux cheveux humains sont souvent associés des tresses de poils de roussettes.
Le manteau : Le bas du masque est dissimulé par une barbe fixée sous le menton. Il est formée de tresses de cheveux mêlées à des fibres végétales. Au-dessous est attachée la cordelière en poil de roussettes. Des plumes de notous sont également utilisées. Sur certains masques, le manteau est réalisé avec un filet de pêche couvert de plumes de notous. Il cache le corps du porteur jusqu’aux genoux.
Certains masques possèdent un manteau réalisé avec des éléments végétaux et une coiffure constituée avec l’étui foliaire de la palme du cocotier. Des graines sont parfois utilisées pour marquer l’emplacement de la bouche.

Article réalisé avec l'aide de fiche de Tourisme Point Sud.

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